Retour forme

Fruit, plantes et baies sauvages,
poissons et viande…

Mangez préhistorique

 


Nos ancêtres chasseurs étaient grands, fins et plutôt en bonne santé. Puis vint l'agriculture. L'homme allait découvrir les maladies cardiaques, les cancers, l'obésité et le diabète. Et si l'avenir alimentaire passait par un retour aux sources?

 

Richard Scott, un spécialiste californien de l'analyse des résidus de graisses dans les récipients préhistoriques, n'en revient pas: les congrès de nutrition se l'arrachent ! << Jusqu'ici, dit-il, mes travaux n'intéressaient que les préhistoriens. Mais les nutritionnistes pensent qu'un retour à l'alimentation de nos ancêtres pourrait aider à résoudre de nombreux problèmes de santé publique.>>
En ligne de mire: l'épidémie d'obésité, qui touche deux Américains et un Français sur dix, ainsi que son corollaire, la montée du diabète.
Sans parler des maladies cardiovasculaires et des cancers, dont le. reflux se fait attendre. A l'origine de ces pathologies non transmissibles: l'interaction de facteurs génétiques et environnementaux, parmi lesquels l'alimentation tient une large place.

Le Dr Boyd Eaton (université Emory, Atlanta, États-Unis) a émis le premier l'hypothèse, en 1985, qu'un retour aux sources alimentaires pourrait nous rendre non seulement la ligne, mais aussi la santé. <<La fréquence des mutations spontanées de l'ADN du noyau cellulaire est de l'ordre de 0,5 % par million d'années, plaide-t-il. Nos gènes sont donc extrêmement proches de ceux de nos ancêtres du paléolithique, il y a 40 000 ans. Ce qui a changé, c'est notre alimentation, avec l'avènement de l'agriculture, il y a 10.000 ans, et surtout avec la révolution industrielle. Nous ne sommes pas adaptés génétiquement au mode alimentaire actuel. L'alimentation paléolithique ou préagricole peut donc fournir un modèle pour la nutrition moderne.>>
Et voilà la science lancée sur la piste du régime préhistorique. Premier constat, les produits de la cueillette y abondent: fruits, légumes, plantes et baies sauvages, rhizomes fournissent jusqu'à 70 % de la base de subsistance. Les végétaux sont mangés peu après leur cueillette, sans transformation. Les plantes d'alors sont plus riches en protéines que les céréales modernes, et surtout plus généreuses en vitamines, minéraux et composés phytochimiques. Sur la base d'un apport énergétique de 3000 kilocalories (kcal) par jour, Eaton estime que nos ancêtres du paléolithique supérieur recevaient 3 à 10 fois plus de vitamines que nous.
En ce qui concerne la vitamine C, que l'homme est l'un des rares êtres vivants à ne plus synthétiser (lire l'homme, ce carnivore), Boyd Eaton estime que Cro-Magnon en recevait 600 milligrammes par jour, soit 6 fois les apports actuels conseillés (voir tableau Comparaison des apports alimentaires au paléolithique et aujourd'hui). L'alimentation paléolithique apporte aussi plus de calcium (jusqu'à 2 fois les doses recommandées) et surtout de potassium: 10 grammes au lieu des 2,5 actuels. Comme le sel est alors une denrée rare, le ratio sodium/potassium, un marqueur du risque d'hypertension, est au moins 30 fois plus bas qu'aujourd'hui!

Un régime de loup
A côté des produits de la cueillette, la viande occupe une place importante, explique Marylène Patou-Mathis, chargée de recherche à l'Institut de paléontologie humaine (Paris). A partir du dosage des isotopes du carbone et de l'azote dans les ossements retrouvés, mais aussi de l'analyse des stries dentaires par microscopie à balayage électronique, se dégage l'image d'ancêtres carnivores, même si la plupart des travaux portent sur les Néandertaliens, branche cousine de nos ancêtres Sapiens sapiens. <<Les Néandertaliens ont un régime de type loup, dit-elle. Mais les Sapiens sapiens sont aussi très carnivores.>>

La chasse, mais aussi le charognage des gros animaux, fournit des muscles et surtout des abats, très recherchés pour leur haute densité nutritionnelle. Au total, Boyd Eaton estime que les hommes du paléolithique se procuraient 30 % de leurs calories sous la forme de protéines, soit deux fois les apports actuellement conseillés pour la population française. Ironiquement, de tels régimes très riches en protéines (25 % des calories) sont aujourd'hui prescrits dans l'obésité et le surpoids.
Mais la viande du paléolithique n'est pas celle de votre boucher. "Les animaux sauvages qui se nourrissent de plantes sauvages donnent une viande maigre, dont le contenu en graisses ne dépasse pas 4 %, au lieu de 25 % aujourd'hui>>, explique le Dr Artemis Simopoulos (Washington, Etats Unis). Boyd Eaton en déduit que l'alimentation paléolithique était relativement pauvre en matières grasses: 22 % des calories, soit 8 % de moins que les apports conseillés. Mais ce niveau a probablement fluctué selon les époques et les lieux. La fracturation des os longs signe en effet la recherche de moelle, source de graisse. Marylène Patou-Mathis relève que des femelles ont été chassées, vraisemblablement pour leur viande plus grasse. <<A certaines périodes, les hommes préhistoriques consomment des femelles gravides, pour leur placenta et leur fœtus. De très jeunes animaux sont abattus, là encore pour la richesse en graisses.>> Des graisses parfaitement réparties entre les deux familles d'acides gras essentiels, oméga 3 et oméga 6. <<Les préhistoriques trouvaient ces deux familles dans la proportion physiologique de 1 pour 1, alors que le ratio actuel est de 20 pour 1 en faveur des oméga 6>>, précise Artemis Simopoulos. Les hommes préhistoriques ne consommant aucun laitage, le chercheur a calculé qu'ils recevaient deux à trois fois moins de graisses saturées que l'homme moderne.
A quoi ressemble ce lointain ancêtre ? <<Il est grand, 1, 70 m à 1,80 m, répond le Dr Bruno Mercier (Perpignan), qui s'apprête à publier une thèse sur le sujet. Il semble en bonne santé, pour autant que les os parvenus jusqu'à nous puissent en témoigner. Pas de caries. Pas de signes de goutte, en dépit du régime très carné. Peu ou pas de traces de pathologies infectieuses, rien qui évoque l'ostéoporose ou les carences nutritionnelles.>>
Changement de décor dès la fin du paléolithique supérieur, avec la percée des céréales, négligées jusqu'alors. <<Les céréales et légumineuses sauvages libèrent spontanément leurs graines, qu'il suffit de ramasser. Cette cueillette apparaît vers -19.000 ans, précise George Wilcox (CNRS, Berrias). Des grains de blé amidonnier, d'orge, des lentilles ont été retrouvés sur le site Ohalo II, en Israël. La domestication de ces plantes s'établira progressivement jusqu'à -9.000 ans.>> C'est alors le début du néolithique, qui préfigure l'alimentation moderne. <<Bien avant que les céréales soient cultivées, il y a des meules dans chaque maison, témoigne Aimé Bocquet, qui préside le Centre de documentation de la préhistoire alpine (Grenoble). On y prépare un pain bluté, proche de celui de nos boulangeries.>>

Comparaison des apports alimentaires au paléolithique et aujourd'hui

 

Paléolithique

France 2000

Nutriments Sources principales

Nutriments (Apports conseillés)

Sources principales
Énergie (kcal/j) 3000   1800-2500  
Vitamines (mg/j)  
Vitamine B1
(thiamine)
4

Viandes, abats, plantes sauvages

1; 1-1,8

Céréales, charcuteries, viandes, légumes

Vitamine B2
(riboflavine)
6,5

Abats, viandes, oeufs

1,5-1,8

Laitage, viandes, poissons, oeufs

Vitamine C
(acide ascorbique)
600

Abats, fruits et baies, plantes sauvages

110-130

Fruits et légumes

Vitamine B9
(acide folique)
0,4

Foie, châtaignes, noix, amandes, plantes sauvages

0,3

Oeufs, légumes verts, fromages fermentés

Bêta-carotène 5,6

Fruits et légumes, racines, feuilles

2,1

Fruits et légumes

Vitamine E 32,8

Noix et fruits oléagineux, fruits et plantes sauvages

12

Huiles végétales, margarines, fruits et légumes

Minéraux (mg/j)  
fer 87,4

Viandes, abats

9-35

Viandes, poissons, végétaux, laitages, aliments enrichis

zinc 43,4

Viandes, abats

9-15

Viandes, oeufs, laitages, céréales

Calcium 1956

Légumes et végétaux, eau de source

900-1200

Laitages, légumes, eaux de boisson

Sodium 770

Légumes, eau de source

6000-8000
(apports rées)

Plats cuisinés et conserves, pain et produits de boulangerie, charcuterie, sodas

Potassium 10000

Fruits, baies, légumes, plantes sauvages, viandes

2500
(apports rées)

Fruits et légumes, laitages, charcuteries, pain

Fibres (g/j) 100

Fruits, légumes, plantes sauvages, tubercules

25-30

Produits de boulangerie, fruits et légumes, céréales du petit déjeuner

Le temps des caries
C'est à l'agriculture et à l'élevage que l'humanité doit sa formidable expansion. Mais avec la farine apparaissent les premières caries. Dents et os du néolithique portent la trace de carences provoquées par le raffinage et l'acide phytique des céréales, un composé anti-nutritionnel qui piège les minéraux. Comme la part de la viande et des protéines reculent, cette époque est marquée par une nette diminution de la taille moyenne. De nouveaux aliments vont achever de balayer le régime préhistorique: sel, sucre, et surtout laitages. Témoin de cette révolution: la plupart d'entre nous ne digèrent pas le lactose (sucre) du lait, parce qu'une fois sortis de l'enfance, nous ne synthétisons presque plus de lactase, l'enzyme nécessaire à sa transformation.

Pour le Pr Bernard Jacotot (hôpital Henri-Mondor, Créteil, Val-de-Marne), le régime paléolithique mérite sa réhabilitation actuelle: <<Les apports en graisses y sont faibles, ce qui est compatible avec la prévention des maladies coronariennes et de l'obésité. Fruits, légumes, noix apportent des fibres, pour l'équilibre lipidique. Les farineux sont limités, ce qui est positif car leurs glucides complexes ont des index glycémiques trop élevés.>> L'index glycémique, c'est-à-dire la capacité d'un aliment à élever le sucre sanguin, a capté récemment l'attention des spécialistes de santé publique (voir Sciences et Avenir n° 624, février 1999). Les IG les plus élevés se retrouvent dans les aliments apparus depuis le néolithique: pain blanc, céréales du petit déjeuner, pâtisseries, sucreries ou pommes de terre.
<<Les Américains ont diminué les graisses dans leur alimentation, mais l'obésité a augmenté, probablement parce qu'ils ont remplacé les graisses par ces glucides modernes>>, analyse le Dr Michael Zermel (université du Tennessee, Knoxville). Le Dr David Ludwig, un chercheur de l'Hôpital pour enfants de Boston (Massachusetts), a montré qu'après un repas dont l'index glycémique UG) est élevé, les obèses consomment 81 % de calories de plus qu'après un repas préparé avec des aliments d'IG faible. Dans une étude publiée en septembre, il a fait maigrir des enfants obèses en modifiant simplement l'index glycémique de leur régime alimentaire. Cependant, une étude française récente n'a pas trouvé de surpoids chez les grands consommateurs de pain.
Certains spécialistes recommandent non seulement de choisir des glucides lents, mais surtout d'augmenter les apports en protéines. <<On peut maigrir rapidement en consommant 25% de ses calories sous la forme de protéines, animales ou non>>, juge le Dr Stanley Roberts (université de Californie du Sud), qui suit depuis deux ans des patients convertis au régime préhistorique.
Aux Etats-Unis, ces succès cliniques - qui restent à confirmer - font la fortune des gourous de la minceur. Dernier venu dans le troupeau paléolithique, Ray Audette invite, dans son livre Neanderthin, à <<manger comme un homme des cavernes pour se forger un corps mince>>. De quoi mettre du baume au cœur des producteurs de viande, un peu malmenés par l'actualité récente.

Céréales et laitage
Le socle contesté des recommandations officielles
Il paraît difficile de s'en passer. Pain, biscuits, pâtes, riz, pommes de terre représentent 15 à 25 % de la consommation des Français. Qui avalent aussi 140 kilogrammes de laitages par an et par personne. Les premiers pourraient, par leurs fibres, prévenir maladies cardio-vasculaires et cancer du côlon. Es seconds, riches en calcium, aideraient à éviter l'ostéoporose. Mais ces allégations ne sont pas entièrement étayées par la recherche.

<<Les études ne sont pas parvenues à démontrer que les fibres, notamment celles des céréales, protègent du cancer>>, précise le Dr Edward Giovannucci (université Harvard, Boston, Massachusetts). Et selon le Dr Roland Weinsier (université de l'Alabama, Birmingham), <<les preuves manquent pour appuyer les recommandations visant à nous faire consommer quotidiennement des laitages pour la santé des os>>.
Féculents, farineux et laitages forment pourtant, dans tous les pays, le socle des recommandations officielles. Le Pr Walter Willett (Harvard) y voit pour une part l'influence des groupes de pression de l'agroalimentaire. Aux Etats-Unis, une association de médecins poursuit en justice le ministre de la Santé. Elle lui reproche les liens qui unissent à l'industrie agroalimentaire six des onze nutritionnistes en charge des <<recommandations alimentaires>> dans ce pays.
Comment se garder de la confusion des genres, au moment où la recherche en nutrition a un besoin vital de financements privés ? Dans plusieurs pays européens, les experts des agences sanitaires doivent demeurer à l'écart des recommandations portant sur un aliment ou un médicament, dès lors qu'ils peuvent y avoir un intérêt personnel. Une mesure qui reste, semble-t-il, à améliorer en France. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a ainsi confié la rédaction de ses recommandations sur le calcium à Léon Guéguen, qui est membre du Conseil scientifique du laitier Candia.

Les céréales comme les laitages ont acquis une réputation d'aliments-santé. Ils étaient pourtant inconnus de nos ancêtres chasseurs.

De son côté, le ministère de la Santé, a lancé le 31 janvier son Programme national Nutrition Santé, une initiative qui vise à prévenir les maladies chroniques par des conseils alimentaires. Il a désigné à sa tête le Dr Serge Hercberg, un éminent nutritionniste de l'Afssa, qui est en même temps membre du Conseil scientifique Candia et du Comité scientifique des meuniers français.

 

Le repas paléolithique


Insectes, oeufs de tortues, gigot de kangourou, salade de fleurs et feuilles: célébrez un retour aux origines avec ces aliments peu ou mal connus. Saveurs et dépaysement garantis.

Insectes et arachides
sauterelles, crickets, termites, scorpions, scarabées, fourmis rouges, grillons, chenilles, larves de ver à soie, de guêpes...

Haute valeur nutritionnelle: 100 grammes de belles sauterelles fournissent autant de protéines que la même quantité de bœuf, pour seulement 6 grammes de graisses! Mesdames, pensez aux termites, qui vous apportent 35 milligrammes de fer pour 100 grammes !

Œufs d'oiseaux et de tortues
Source de protéines de qualité in fournissent des acides gras essentiels dans la proportion idéale et des caroténoïdes (lutéine, zéaxanthine, bêta-carotène) important pour lutter contre les maladies dégénératives oculaires et réguler les gènes. Les œufs sont aussi une source majeure de phosphatidylcholine, précurseur du neurotransmetteur de la mémoire, l'acétylcholine.

Gibier
renne, daim, chevreuil, bison, taureau, autruche, kangourou, chevreau

La chair des animaux sauvages ou élevés en pleine nature est moins grasse que celle des animaux d'élevage.
Les os longs fournissent de la moelle, riche en phospholipides et sphingolipides.

Petits animaux
escargots, grenouilles, petits reptiles

Une mine d'acides aminés précurseurs de l'hormone de croissance: arginine, ornithine, glutamine.

Noix
noix de cajou, noix de macadamia, noix du Brésil, noisettes, amandes, châtaignes.

Le chasseur-cueilleur ne pouvait les ignorer. Ces fruits apportent, outre du calcium, et des fibres, de l'acide alpha-linolénique (oméga 3), des phytostérols (compestérol, bêta-sitostérol, stigmastérol) qui préservent la santé cardio-vasculaire et pourraient prévenir le cancer du côlon...

Fruits
figues, cerises, bananes, mangues, nèfles, poires, pommes, prunes, raisins, pêches...

Ces aliments sont riches en phénols et composés cycliques qui contribuent à protéger l'organisme des dégâts occasionnés par les radicaux libres. Ils fournissent aussi des minéraux, grands régulateurs du système cardio-vasculaire comme le calcium et le potassium.

Épices
aneth, anis, badiane, cannelle, cardamome, colombo, coriandre, cumin...

Inégalables pour leur teneur en terpènes et en phénols antioxydants.

Petit gibier
faisan, caille, bécasse, pintade, lièvre

Des protéines bien sûr et des acides aminés soufrés précurseurs du glutathion, principal détoxifiant cellulaire. Les cartilages apportent de la silice, de la glucosamine, de la chondroïtine, qui luttent contre l'arthrose.

Baies
mûres, myrtilles, fraises, framboises, cassis, baies de sureau, d'aubépine, d'églantier...

Source de flavonoïdes, d'acides organiques (acide chlorogénique, acide ellagique), de coumarines aux propriétés antioxydantes et détoxifiantes par induction des enzymes de phase 2, qui neutralisent les composés cancérogènes de l'alimentation.

Abats
Mal aimés aujourd'hui, les abats sont un concentré de vitamines et minéraux. Il faut choisir des bêtes élevées en plein air, n'ayant pas reçu de traitement médicamenteux. Le foie est une source inégalée de vitamine A, mais aussi de vitamine B9, un nutriment qui prévient les malformations du fœtus, réduit le risque cardio-vasculaire et pourrait s'opposer à l'apparition de la maladie d'Alzheimer.

Mollusques,
crustacés, poissons gras, anguilles

La pêche semble peu répandue au paléolithique, mais les populations qui vivaient en bord de mer ramassaient sûrement des mollusques. Comme les poissons gras, ils sont une source précieuse d'acides gras à longues chaînes (EPA, DHA) et de protéines de bonne qualité. Ils apportent aussi des minéraux essentiels: zinc, cuivre, fer, sélénium...

Tubercules et légumes
oignons, ail, artichauts sauvages, carottes sauvages, choux de toutes sortes

Les hommes du paléolithique fouillaient la terre de la savane ou de la forêt pour en extraire des oignons et tubercules, qui étaient ensuite consommés crus ou cuits. Ils apportent des composés soufrés (diallyl sulfides, allyl méthyl trisulfides, dithiolthiones), des acides organiques, des saponines, des caroténoïdes, que l'organisme utilise pour assurer la maintenance cellulaire. Ils fournissent aussi des glucosinolates, isothiocyanates et indoles qui contribuent à la protection contre les toxiques et stabilisent les chromosomes.

Corps gras
graisse d'oie, huiles de colza...

Ni l'huile de lin ni celle de colza n'existaient au paléolithique, mais elles apportent les principaux acides gras - oléique, linoléique, alpha-linolénique - dans des proportions proches de celles rencontrées à l'époque.

Feuilles
sapin, épicéa, tilleul, hêtre, érable

A préparer en salades ou en décoction. Les feuilles contiennent de la chlorophylle, des caroténoïdes, des terpènes...

Champignons
En vogue au paléolithique, les champignons sauvages sont riches en caroténoïdes, des pigments jaune-orange aux propriétés antioxydantes.

Herbes
et plantes sauvages amarante, armoise, chicorée sauvage, asperge sauvage, bardane, cresson, épinard sauvage, fenouil sauvage, mâche, mauve, ortie, oseille, pissenlit, pourpier, roquette, salsifis des prés, sauge, thym, cerfeuil...

Ces plantes peuvent être préparées en salade, en soupe, en décoction. Elles renferment des flavonoïdes (quercétine, apigénine, catéchine ... ), aux propriétés antioxydantes et antiagrégantes. Les flavonoïdes diminuent la fragilité et la perméabilité capillaires. Ces herbes apportent aussi des caroténoïdes et des terpènes, dont la recherche explore les propriétés anticancer.

Fleurs
primevères, violettes, soucis, capucines, courgettes, bourrache, acacia... Elles contiennent surtout des polyphénols antioxydants (flavones, flavonol glucosides). Peuvent agrémenter les salades, être cuites comme les épinards, confites, ou utilisées en décoction.

 

L'homme, ce carnivore

Entretien avec

Pascal Picq, Paléoanthropologue

Pascal Picq (Paléoanthropologue)


Pascal Picq est maître de conférences au Laboratoire de paléoanthropologie et préhistoire du Collège de France (Paris). Il raconte comment, dès l'origine, l'alimentation a façonné l'évolution de l'homme.

Sciences et Avenir: L'être humain est-il un végétarien dévoyé?
Pascal Picq: Si l'on se réfère aux singes, on voit que l'équation à résoudre, c'est l'accès aux protéines. Les petits singes les trouvent dans les insectes, les gros dans les feuilles. Les gorilles ne sont pas chasseurs. Leur intestin s'est développé pour favoriser la fermentation des feuilles qu'ils consomment. Les orangs-outans chassent occasionnellement.
En revanche, les chimpanzés sont d'extraordinaires chasseurs. Ils sont responsables de la disparition de 20% des singes qui vivent autour d'eux. La viande est pour eux un plaisir, et en plus elle se digère facilement. Pendant la saison sèche en Côte d'Ivoire, elle est même pour eux une ressource indispensable. Le chimpanzé est un végétarien à tendance omnivore. Comme il est plus proche de nous, on pense que la capacité de chasser existe depuis fort longtemps.

Pourquoi l'espèce humaine est-elle l'une des rares, avec les chauve-souris et quelques rongeurs, à ne pas fabriquer de vitamine C?
Aucun primate ne synthétise de vitamine C. Il y a 55 millions d'années, les espèces que vous citez appartenaient, avec les écureuils volants et les musaraignes arboricoles, au même groupe. Pendant 20 millions d'années, elles se sont épanouies dans un univers d'arbres fruitiers. Un environnement si riche en vitamine C, que leurs descendants ont abandonné le fardeau métabolique que représentait la faculté d'en assurer la synthèse. De cette époque date aussi probablement notre goût inné pour le sucré.

Comment se nourrissaiton avant le paléolithique?
Les australopithèques comme Lucy avaient des mâchoires démentes, qui leur servaient à broyer des aliments végétaux, noix, tubercules, racines. On a longtemps cru qu'ils étaient spécialisés dans la consommation de végétaux, mais les études sur traces isotopiques révèlent qu'ils étaient omnivores. Quand ils pouvaient manger des antilopes, ils ne se gênaient pas. Après eux, arrivent les premiers hommes il y a 2,5 millions d'années. Ils ne savent ni ne peuvent atteindre de gros animaux: l'accès à la viande se fait sur les carcasses d'animaux morts.

Les premiers hommes étaient donc charognards?
Oui, il y avait à l'époque abondance de carcasses en raison du grand nombre de grands carnivores. Mais dans une savane découverte, la viande se décompose vite. En revanche, elle se conserve plusieurs jours dans la savane arborée ou près de l'eau. L'homme vivait là. Avec son silex tranchoir, Homo habilis peut accéder à la moelle, à la cervelle, découper la langue. C'est ainsi que la viande est entrée dans la stratégie alimentaire des hommes.


Australopithèques à la cueillette.
Surtout végétariens, ils ne dédaignaient pas manger des animaux à l'occasion.

Le fait de consommer de la viande a-t-il eu des conséquences sur l'évolution?
Leslie Aiello, un chercheur britannique, a émis l'hypothèse que la consommation accrue de viande a pu favoriser le développement du cerveau. La digestion a un coût métabolique important pour l'organisme et le cerveau est gourmand en glucose. A partir du moment où les hommes se sont mis à manger de la viande, dont la digestion est aisée, la charge métabolique qui pesait sur l'intestin a pu être dédiée au développement d'un gros cerveau.

Nous devrions donc notre gros cerveau à ce goût pour la viande?
Il n'y a pas que cela. Prenez le feu. Les premiers foyers datent de -500.000 ans, mais on utilisait le feu bien avant. Selon une hypothèse récente, la cuisson aurait favorisé l'encéphalisation. La cuisson ne modifie guère la digestion de la viande par l'organisme. En revanche, elle rend les nutriments des végétaux plus disponibles. En cuisant les légumes, les racines, nos ancêtres auraient permis au cerveau d'accéder plus facilement à des molécules importantes pour son développement.

Existe-t-il un modèle uniforme de l'alimentation au paléolithique?
Selon la latitude et la période, les chasseurs-cueilleurs n'ont pas accès aux mêmes ressources. Près des tropiques, la nourriture est probablement aux deux tiers végétale. Plus la latitude augmente, plus la viande domine. L'exemple extrême est donné par les Inuits, qui mangent essentiellement de la viande et des graisses.

L'homme du paléolithique nous ressemble-t-il?
Il préfigure indubitablement l'homme moderne. Il est plus robuste, et tout aussi grand que nous. En fait, plus grand que l'homme du Moyen Age. Il faudra attendre l'après-guerre pour voir la taille revenir à ce qu'elle était au paléolithique.

 

Source : Sciences et avenir  - n° 651 - Mai 2001

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