Richard
Scott, un spécialiste californien de l'analyse des résidus de graisses
dans les récipients préhistoriques, n'en revient pas: les congrès de
nutrition se l'arrachent ! << Jusqu'ici, dit-il, mes travaux
n'intéressaient que les préhistoriens. Mais les nutritionnistes pensent
qu'un retour à l'alimentation de nos ancêtres pourrait aider à
résoudre de nombreux problèmes de santé publique.>>
En ligne de mire: l'épidémie d'obésité,
qui touche deux Américains et un Français sur dix, ainsi que son
corollaire, la montée du diabète.
Sans parler des maladies cardiovasculaires et des cancers, dont le. reflux
se fait attendre. A l'origine de ces pathologies non transmissibles:
l'interaction de facteurs génétiques et environnementaux, parmi lesquels
l'alimentation tient une large place.
Le Dr Boyd Eaton (université Emory, Atlanta, États-Unis) a émis le
premier l'hypothèse, en 1985, qu'un retour aux sources alimentaires
pourrait nous rendre non seulement la ligne, mais aussi la santé.
<<La fréquence des mutations spontanées de l'ADN du noyau
cellulaire est de l'ordre de 0,5 % par million d'années, plaide-t-il. Nos
gènes sont donc extrêmement proches de ceux de nos ancêtres du
paléolithique, il y a 40 000 ans. Ce qui a changé, c'est notre
alimentation, avec l'avènement de l'agriculture, il y a 10.000 ans, et
surtout avec la révolution industrielle. Nous ne sommes pas adaptés
génétiquement au mode alimentaire actuel. L'alimentation paléolithique
ou préagricole peut donc fournir un modèle pour la nutrition
moderne.>>
Et voilà la science lancée sur la piste du
régime préhistorique. Premier constat, les produits de la cueillette y
abondent: fruits, légumes, plantes et baies sauvages, rhizomes
fournissent jusqu'à 70 % de la base de subsistance. Les végétaux sont
mangés peu après leur cueillette, sans transformation. Les plantes
d'alors sont plus riches en protéines que les céréales modernes, et
surtout plus généreuses en vitamines, minéraux et composés
phytochimiques. Sur la base d'un apport énergétique de 3000 kilocalories
(kcal) par jour, Eaton estime que nos ancêtres du paléolithique
supérieur recevaient 3 à 10 fois plus de vitamines que nous.
En ce qui concerne la vitamine C, que l'homme est l'un des rares êtres
vivants à ne plus synthétiser (lire l'homme, ce carnivore), Boyd Eaton
estime que Cro-Magnon en recevait 600 milligrammes par jour, soit 6 fois
les apports actuels conseillés (voir tableau Comparaison des apports
alimentaires au paléolithique et aujourd'hui). L'alimentation
paléolithique apporte aussi plus de calcium (jusqu'à 2 fois les doses
recommandées) et surtout de potassium: 10 grammes au lieu des 2,5
actuels. Comme le sel est alors une denrée rare, le ratio
sodium/potassium, un marqueur du risque d'hypertension, est au moins 30
fois plus bas qu'aujourd'hui!
Un régime de loup
A côté des produits de la cueillette, la viande occupe une place
importante, explique Marylène Patou-Mathis, chargée de recherche à
l'Institut de paléontologie humaine (Paris). A partir du dosage des
isotopes du carbone et de l'azote dans les ossements retrouvés, mais aussi
de l'analyse des stries dentaires par microscopie à balayage électronique,
se dégage l'image d'ancêtres carnivores, même si la plupart des travaux
portent sur les Néandertaliens, branche cousine de nos ancêtres Sapiens
sapiens. <<Les Néandertaliens ont un régime de type loup, dit-elle.
Mais les Sapiens sapiens sont aussi très carnivores.>>
La chasse, mais aussi le charognage des gros animaux, fournit des muscles et
surtout des abats, très recherchés pour leur haute densité
nutritionnelle. Au total, Boyd Eaton estime que les hommes du paléolithique
se procuraient 30 % de leurs calories sous la forme de protéines, soit deux
fois les apports actuellement conseillés pour la population française.
Ironiquement, de tels régimes très riches en protéines (25 % des
calories) sont aujourd'hui prescrits dans l'obésité et le surpoids.
Mais la viande du paléolithique n'est pas
celle de votre boucher. "Les animaux sauvages qui se nourrissent de
plantes sauvages donnent une viande maigre, dont le contenu en graisses ne
dépasse pas 4 %, au lieu de 25 % aujourd'hui>>, explique le Dr
Artemis Simopoulos (Washington, Etats Unis). Boyd Eaton en déduit que
l'alimentation paléolithique était relativement pauvre en matières
grasses: 22 % des calories, soit 8 % de moins que les apports conseillés.
Mais ce niveau a probablement fluctué selon les époques et les lieux. La
fracturation des os longs signe en effet la recherche de moelle, source de
graisse. Marylène Patou-Mathis relève que des femelles ont été
chassées, vraisemblablement pour leur viande plus grasse. <<A
certaines périodes, les hommes préhistoriques consomment des femelles
gravides, pour leur placenta et leur fœtus. De très jeunes animaux sont
abattus, là encore pour la richesse en graisses.>> Des graisses
parfaitement réparties entre les deux familles d'acides gras essentiels,
oméga 3 et oméga 6. <<Les préhistoriques trouvaient ces deux
familles dans la proportion physiologique de 1 pour 1, alors que le ratio
actuel est de 20 pour 1 en faveur des oméga 6>>, précise Artemis
Simopoulos. Les hommes préhistoriques ne consommant aucun laitage, le
chercheur a calculé qu'ils recevaient deux à trois fois moins de graisses
saturées que l'homme moderne.
A quoi ressemble ce lointain ancêtre ? <<Il est grand, 1, 70 m à
1,80 m, répond le Dr Bruno Mercier (Perpignan), qui s'apprête à publier
une thèse sur le sujet. Il semble en bonne santé, pour autant que les os
parvenus jusqu'à nous puissent en témoigner. Pas de caries. Pas de signes
de goutte, en dépit du régime très carné. Peu ou pas de traces de
pathologies infectieuses, rien qui évoque l'ostéoporose ou les carences
nutritionnelles.>>
Changement de décor dès la fin du paléolithique supérieur, avec la
percée des céréales, négligées jusqu'alors. <<Les céréales et
légumineuses sauvages libèrent spontanément leurs graines, qu'il suffit
de ramasser. Cette cueillette apparaît vers -19.000 ans, précise George
Wilcox (CNRS, Berrias). Des grains de blé amidonnier, d'orge, des lentilles
ont été retrouvés sur le site Ohalo II, en Israël. La domestication de
ces plantes s'établira progressivement jusqu'à -9.000 ans.>> C'est
alors le début du néolithique, qui préfigure l'alimentation moderne.
<<Bien avant que les céréales soient cultivées, il y a des meules
dans chaque maison, témoigne Aimé Bocquet, qui préside le Centre de
documentation de la préhistoire alpine (Grenoble). On y prépare un pain
bluté, proche de celui de nos boulangeries.>>
Comparaison
des apports alimentaires au paléolithique et aujourd'hui |
|
Paléolithique |
France
2000 |
Nutriments |
Sources
principales |
Nutriments
(Apports conseillés) |
Sources
principales |
Énergie
(kcal/j) |
3000 |
|
1800-2500 |
|
Vitamines
(mg/j) |
|
Vitamine
B1
(thiamine) |
4 |
Viandes, abats, plantes
sauvages |
1; 1-1,8 |
Céréales, charcuteries,
viandes, légumes |
Vitamine
B2
(riboflavine) |
6,5 |
Abats, viandes, oeufs |
1,5-1,8 |
Laitage, viandes, poissons,
oeufs |
Vitamine
C
(acide ascorbique) |
600 |
Abats, fruits et baies,
plantes sauvages |
110-130 |
Fruits et légumes |
Vitamine
B9
(acide folique) |
0,4 |
Foie, châtaignes, noix,
amandes, plantes sauvages |
0,3 |
Oeufs, légumes verts,
fromages fermentés |
Bêta-carotène |
5,6 |
Fruits et légumes, racines,
feuilles |
2,1 |
Fruits et légumes |
Vitamine
E |
32,8 |
Noix et fruits oléagineux,
fruits et plantes sauvages |
12 |
Huiles végétales,
margarines, fruits et légumes |
Minéraux
(mg/j) |
|
fer |
87,4 |
Viandes, abats |
9-35 |
Viandes, poissons,
végétaux, laitages, aliments enrichis |
zinc |
43,4 |
Viandes, abats |
9-15 |
Viandes, oeufs, laitages,
céréales |
Calcium |
1956 |
Légumes et végétaux, eau
de source |
900-1200 |
Laitages, légumes, eaux de
boisson |
Sodium |
770 |
Légumes, eau de source |
6000-8000
(apports rées) |
Plats cuisinés et conserves,
pain et produits de boulangerie, charcuterie, sodas |
Potassium |
10000 |
Fruits, baies, légumes,
plantes sauvages, viandes |
2500
(apports rées)
|
Fruits et légumes, laitages,
charcuteries, pain |
Fibres
(g/j) |
100 |
Fruits, légumes, plantes
sauvages, tubercules |
25-30 |
Produits de boulangerie,
fruits et légumes, céréales du petit déjeuner |
Le temps des caries
C'est à l'agriculture et à l'élevage que l'humanité doit sa formidable
expansion. Mais avec la farine apparaissent les premières caries. Dents et
os du néolithique portent la trace de carences provoquées par le raffinage
et l'acide phytique des céréales, un composé anti-nutritionnel qui piège
les minéraux. Comme la part de la viande et des protéines reculent, cette
époque est marquée par une nette diminution de la taille moyenne. De
nouveaux aliments vont achever de balayer le régime préhistorique: sel,
sucre, et surtout laitages. Témoin de cette révolution: la plupart d'entre
nous ne digèrent pas le lactose (sucre) du lait, parce qu'une fois sortis
de l'enfance, nous ne synthétisons presque plus de lactase, l'enzyme
nécessaire à sa transformation.
Pour le Pr Bernard Jacotot (hôpital Henri-Mondor, Créteil, Val-de-Marne),
le régime paléolithique mérite sa réhabilitation actuelle: <<Les
apports en graisses y sont faibles, ce qui est compatible avec la
prévention des maladies coronariennes et de l'obésité. Fruits, légumes,
noix apportent des fibres, pour l'équilibre lipidique. Les farineux sont
limités, ce qui est positif car leurs glucides complexes ont des index
glycémiques trop élevés.>> L'index glycémique, c'est-à-dire la
capacité d'un aliment à élever le sucre sanguin, a capté récemment
l'attention des spécialistes de santé publique (voir Sciences et Avenir
n° 624, février 1999). Les IG les plus élevés se retrouvent dans les
aliments apparus depuis le néolithique: pain blanc, céréales du petit
déjeuner, pâtisseries, sucreries ou pommes de terre.
<<Les Américains ont diminué les
graisses dans leur alimentation, mais l'obésité a augmenté, probablement
parce qu'ils ont remplacé les graisses par ces glucides modernes>>,
analyse le Dr Michael Zermel (université du Tennessee, Knoxville). Le Dr
David Ludwig, un chercheur de l'Hôpital pour enfants de Boston
(Massachusetts), a montré qu'après un repas dont l'index glycémique UG)
est élevé, les obèses consomment 81 % de calories de plus qu'après un
repas préparé avec des aliments d'IG faible. Dans une étude publiée en
septembre, il a fait maigrir des enfants obèses en modifiant simplement
l'index glycémique de leur régime alimentaire. Cependant, une étude
française récente n'a pas trouvé de surpoids chez les grands
consommateurs de pain.
Certains spécialistes recommandent non seulement de choisir des glucides
lents, mais surtout d'augmenter les apports en protéines. <<On peut
maigrir rapidement en consommant 25% de ses calories sous la forme de
protéines, animales ou non>>, juge le Dr Stanley Roberts (université
de Californie du Sud), qui suit depuis deux ans des patients convertis au
régime préhistorique.
Aux Etats-Unis, ces succès cliniques - qui restent à confirmer - font la
fortune des gourous de la minceur. Dernier venu dans le troupeau
paléolithique, Ray Audette invite, dans son livre Neanderthin, à
<<manger comme un homme des cavernes pour se forger un corps
mince>>. De quoi mettre du baume au cœur des producteurs de viande,
un peu malmenés par l'actualité récente.
Céréales et
laitage
Le socle contesté des
recommandations officielles
Il paraît difficile de s'en passer. Pain, biscuits, pâtes, riz,
pommes de terre représentent 15 à 25 % de la consommation des
Français. Qui avalent aussi 140 kilogrammes de laitages par an et par
personne. Les premiers pourraient, par leurs fibres, prévenir
maladies cardio-vasculaires et cancer du côlon. Es seconds, riches en
calcium, aideraient à éviter l'ostéoporose. Mais ces allégations
ne sont pas entièrement étayées par la recherche.
<<Les études ne sont pas parvenues
à démontrer que les fibres, notamment celles des céréales,
protègent du cancer>>, précise le Dr Edward Giovannucci
(université Harvard, Boston, Massachusetts). Et selon le Dr Roland
Weinsier (université de l'Alabama, Birmingham), <<les preuves
manquent pour appuyer les recommandations visant à nous faire
consommer quotidiennement des laitages pour la santé des os>>.
Féculents, farineux et laitages forment pourtant, dans tous les pays,
le socle des recommandations officielles. Le Pr Walter Willett
(Harvard) y voit pour une part l'influence des groupes de pression de
l'agroalimentaire. Aux Etats-Unis, une association de médecins
poursuit en justice le ministre de la Santé. Elle lui reproche les
liens qui unissent à l'industrie agroalimentaire six des onze
nutritionnistes en charge des <<recommandations
alimentaires>> dans ce pays.
Comment se garder de la confusion des
genres, au moment où la recherche en nutrition a un besoin vital de
financements privés ? Dans plusieurs pays européens, les experts des
agences sanitaires doivent demeurer à l'écart des recommandations
portant sur un aliment ou un médicament, dès lors qu'ils peuvent y
avoir un intérêt personnel. Une mesure qui reste, semble-t-il, à
améliorer en France. L'Agence française de sécurité sanitaire des
aliments (Afssa) a ainsi confié la rédaction de ses recommandations
sur le calcium à Léon Guéguen, qui est membre du Conseil
scientifique du laitier Candia.
Les céréales
comme les laitages ont acquis une réputation d'aliments-santé.
Ils étaient pourtant inconnus de nos ancêtres chasseurs.
De son côté, le
ministère de la Santé, a lancé le 31 janvier son Programme national
Nutrition Santé, une initiative qui vise à prévenir les maladies
chroniques par des conseils alimentaires. Il a désigné à sa tête
le Dr Serge Hercberg, un éminent nutritionniste de l'Afssa, qui est
en même temps membre du Conseil scientifique Candia et du Comité
scientifique des meuniers français. |
Le repas
paléolithique |
Insectes, oeufs de tortues, gigot de
kangourou, salade de fleurs et feuilles: célébrez un retour aux
origines avec ces aliments peu ou mal connus. Saveurs et
dépaysement garantis.
|
Insectes
et arachides
sauterelles, crickets, termites, scorpions, scarabées, fourmis
rouges, grillons, chenilles, larves de ver à soie, de guêpes...
Haute valeur
nutritionnelle: 100 grammes de belles sauterelles fournissent autant
de protéines que la même quantité de bœuf, pour seulement 6
grammes de graisses! Mesdames, pensez aux termites, qui vous apportent
35 milligrammes de fer pour 100 grammes !
|
Œufs
d'oiseaux et de tortues
Source de protéines de qualité in fournissent des acides gras
essentiels dans la proportion idéale et des caroténoïdes (lutéine,
zéaxanthine, bêta-carotène) important pour lutter contre les
maladies dégénératives oculaires et réguler les gènes. Les œufs
sont aussi une source majeure de phosphatidylcholine, précurseur du
neurotransmetteur de la mémoire, l'acétylcholine.
|
Gibier
renne, daim, chevreuil, bison, taureau, autruche, kangourou, chevreau
La chair des
animaux sauvages ou élevés en pleine nature est moins grasse que
celle des animaux d'élevage.
Les os longs fournissent de la moelle, riche en phospholipides et
sphingolipides.
Petits animaux
escargots, grenouilles, petits reptiles
Une mine
d'acides aminés précurseurs de l'hormone de croissance: arginine,
ornithine, glutamine. |
Noix
noix de cajou, noix de macadamia, noix du Brésil, noisettes, amandes,
châtaignes.
Le
chasseur-cueilleur ne pouvait les ignorer. Ces fruits apportent, outre
du calcium, et des fibres, de l'acide alpha-linolénique (oméga 3),
des phytostérols (compestérol, bêta-sitostérol, stigmastérol) qui
préservent la santé cardio-vasculaire et pourraient prévenir le
cancer du côlon...
|
Fruits
figues, cerises, bananes, mangues, nèfles, poires, pommes, prunes,
raisins, pêches...
Ces aliments sont riches
en phénols et composés cycliques qui contribuent à protéger
l'organisme des dégâts occasionnés par les radicaux libres. Ils
fournissent aussi des minéraux, grands régulateurs du système
cardio-vasculaire comme le calcium et le potassium.
Épices
aneth, anis, badiane, cannelle, cardamome, colombo, coriandre,
cumin...
Inégalables pour leur
teneur en terpènes et en phénols antioxydants.
|
Petit
gibier
faisan, caille, bécasse, pintade, lièvre
Des protéines bien sûr
et des acides aminés soufrés précurseurs du glutathion, principal
détoxifiant cellulaire. Les cartilages apportent de la silice, de la
glucosamine, de la chondroïtine, qui luttent contre l'arthrose.
|
Baies
mûres, myrtilles, fraises,
framboises, cassis, baies de sureau, d'aubépine, d'églantier...
Source de flavonoïdes,
d'acides organiques (acide chlorogénique, acide ellagique), de
coumarines aux propriétés antioxydantes et détoxifiantes par
induction des enzymes de phase 2, qui neutralisent les composés
cancérogènes de l'alimentation.
|
Abats
Mal aimés aujourd'hui, les abats sont un concentré de vitamines et
minéraux. Il faut choisir des bêtes élevées en plein air, n'ayant
pas reçu de traitement médicamenteux. Le foie est une source
inégalée de vitamine A, mais aussi de vitamine B9, un nutriment qui
prévient les malformations du fœtus, réduit le risque
cardio-vasculaire et pourrait s'opposer à l'apparition de la maladie
d'Alzheimer. |
Mollusques,
crustacés, poissons gras,
anguilles
La pêche semble peu
répandue au paléolithique, mais les populations qui vivaient en bord
de mer ramassaient sûrement des mollusques. Comme les poissons gras,
ils sont une source précieuse d'acides gras à longues chaînes (EPA,
DHA) et de protéines de bonne qualité. Ils apportent aussi des
minéraux essentiels: zinc, cuivre, fer, sélénium... |
Tubercules
et légumes
oignons, ail, artichauts sauvages, carottes sauvages, choux de toutes
sortes
Les hommes du
paléolithique fouillaient la terre de la savane ou de la forêt pour
en extraire des oignons et tubercules, qui étaient ensuite consommés
crus ou cuits. Ils apportent des composés soufrés (diallyl sulfides,
allyl méthyl trisulfides, dithiolthiones), des acides organiques, des
saponines, des caroténoïdes, que l'organisme utilise pour assurer la
maintenance cellulaire. Ils fournissent aussi des glucosinolates,
isothiocyanates et indoles qui contribuent à la protection contre les
toxiques et stabilisent les chromosomes. |
Corps gras
graisse d'oie, huiles de
colza...
Ni l'huile de lin ni
celle de colza n'existaient au paléolithique, mais elles apportent
les principaux acides gras - oléique, linoléique, alpha-linolénique
- dans des proportions proches de celles rencontrées à l'époque.
Feuilles
sapin, épicéa, tilleul, hêtre, érable
A préparer en
salades ou en décoction. Les feuilles contiennent de la chlorophylle,
des caroténoïdes, des terpènes... |
Champignons
En vogue au paléolithique, les champignons sauvages sont riches en
caroténoïdes, des pigments jaune-orange aux propriétés
antioxydantes. |
Herbes
et plantes sauvages amarante, armoise, chicorée sauvage, asperge
sauvage, bardane, cresson, épinard sauvage, fenouil sauvage, mâche,
mauve, ortie, oseille, pissenlit, pourpier, roquette, salsifis des
prés, sauge, thym, cerfeuil...
Ces plantes peuvent
être préparées en salade, en soupe, en décoction. Elles renferment
des flavonoïdes (quercétine, apigénine, catéchine ... ), aux
propriétés antioxydantes et antiagrégantes. Les flavonoïdes
diminuent la fragilité et la perméabilité capillaires. Ces herbes
apportent aussi des caroténoïdes et des terpènes, dont la recherche
explore les propriétés anticancer. |
Fleurs
primevères, violettes, soucis, capucines, courgettes, bourrache,
acacia... Elles contiennent surtout des polyphénols antioxydants (flavones,
flavonol glucosides). Peuvent agrémenter les salades, être cuites
comme les épinards, confites, ou utilisées en décoction. |
L'homme, ce carnivore
Entretien avec
Pascal Picq, Paléoanthropologue
|
|
Pascal Picq est maître de conférences au Laboratoire de
paléoanthropologie et préhistoire du Collège de France (Paris).
Il raconte comment, dès l'origine, l'alimentation a façonné
l'évolution de l'homme.
|
Sciences et Avenir:
L'être humain est-il un végétarien dévoyé?
Pascal Picq:
Si l'on se réfère aux singes, on voit que l'équation à résoudre, c'est
l'accès aux protéines. Les petits singes les trouvent dans les insectes,
les gros dans les feuilles. Les gorilles ne sont pas chasseurs. Leur
intestin s'est développé pour favoriser la fermentation des feuilles
qu'ils consomment. Les orangs-outans chassent occasionnellement.
En revanche, les chimpanzés sont d'extraordinaires chasseurs. Ils sont
responsables de la disparition de 20% des singes qui vivent autour d'eux. La
viande est pour eux un plaisir, et en plus elle se digère facilement.
Pendant la saison sèche en Côte d'Ivoire, elle est même pour eux une
ressource indispensable. Le chimpanzé est un végétarien à tendance
omnivore. Comme il est plus proche de nous, on pense que la capacité de
chasser existe depuis fort longtemps.
Pourquoi l'espèce humaine
est-elle l'une des rares, avec les chauve-souris et quelques rongeurs, à ne
pas fabriquer de vitamine C?
Aucun primate ne synthétise de
vitamine C. Il y a 55 millions d'années, les espèces que vous citez
appartenaient, avec les écureuils volants et les musaraignes arboricoles,
au même groupe. Pendant 20 millions d'années, elles se sont épanouies
dans un univers d'arbres fruitiers. Un environnement si riche en vitamine C,
que leurs descendants ont abandonné le fardeau métabolique que
représentait la faculté d'en assurer la synthèse. De cette époque date
aussi probablement notre goût inné pour le sucré.
Comment se nourrissaiton
avant le paléolithique?
Les australopithèques comme Lucy avaient des mâchoires démentes, qui leur
servaient à broyer des aliments végétaux, noix, tubercules, racines. On a
longtemps cru qu'ils étaient spécialisés dans la consommation de
végétaux, mais les études sur traces isotopiques révèlent qu'ils
étaient omnivores. Quand ils pouvaient manger des antilopes, ils ne se
gênaient pas. Après eux, arrivent les premiers hommes il y a 2,5 millions
d'années. Ils ne savent ni ne peuvent atteindre de gros animaux: l'accès
à la viande se fait sur les carcasses d'animaux morts.
Les premiers hommes
étaient donc charognards?
Oui, il y avait à l'époque abondance
de carcasses en raison du grand nombre de grands carnivores. Mais dans une
savane découverte, la viande se décompose vite. En revanche, elle se
conserve plusieurs jours dans la savane arborée ou près de l'eau. L'homme
vivait là. Avec son silex tranchoir, Homo habilis peut accéder à la
moelle, à la cervelle, découper la langue. C'est ainsi que la viande est
entrée dans la stratégie alimentaire des hommes.
Australopithèques à la
cueillette.
Surtout végétariens, ils ne
dédaignaient pas manger des animaux à l'occasion.
|
Le fait de consommer de la
viande a-t-il eu des conséquences sur l'évolution?
Leslie Aiello, un chercheur britannique, a émis l'hypothèse que la
consommation accrue de viande a pu favoriser le développement du cerveau.
La digestion a un coût métabolique important pour l'organisme et le
cerveau est gourmand en glucose. A partir du moment où les hommes se sont
mis à manger de la viande, dont la digestion est aisée, la charge
métabolique qui pesait sur l'intestin a pu être dédiée au développement
d'un gros cerveau.
Nous devrions donc notre
gros cerveau à ce goût pour la viande?
Il n'y a pas que cela. Prenez le feu.
Les premiers foyers datent de -500.000 ans, mais on utilisait le feu bien
avant. Selon une hypothèse récente, la cuisson aurait favorisé l'encéphalisation.
La cuisson ne modifie guère la digestion de la viande par l'organisme. En
revanche, elle rend les nutriments des végétaux plus disponibles. En
cuisant les légumes, les racines, nos ancêtres auraient permis au cerveau
d'accéder plus facilement à des molécules importantes pour son
développement.
Existe-t-il un modèle
uniforme de l'alimentation au paléolithique?
Selon la latitude et la période, les chasseurs-cueilleurs n'ont pas accès
aux mêmes ressources. Près des tropiques, la nourriture est probablement
aux deux tiers végétale. Plus la latitude augmente, plus la viande domine.
L'exemple extrême est donné par les Inuits, qui mangent essentiellement de
la viande et des graisses.
L'homme du paléolithique
nous ressemble-t-il?
Il préfigure indubitablement l'homme
moderne. Il est plus robuste, et tout aussi grand que nous. En fait, plus
grand que l'homme du Moyen Age. Il faudra attendre l'après-guerre pour voir
la taille revenir à ce qu'elle était au paléolithique. |